Artiste : Therion

Album : Beloved Antichrist

Date de Sortie : 09-02-2018

Ajouté le : 20-05-2018

D’habitude, les Américains sont assez friants du mot ‘Awesome’ et ils l’utilisent à toutes les sauces et pourtant, c’est bien ce mot qui me vient en premier avec la sortie de cette œuvre gigantesque du Suédois ‘Christopher Johnson’ : Impressionnant, Spectaculaire, Monumental, Fantastique, Grandiose, Unique et on pourrait rajouter encore quelques adjectifs car, on peut toujours essayer de chercher, il n’y a pas d’œuvre équivalente à ce jour pour cet opéra métal. Et pourtant, on l’a attendu impatiemment : je me rappelle d’un concert au z7 près de Bâle en Octobre 2012 où Christopher commençait à nous parler de son opéra qu’il avait commencé déjà depuis bien longtemps. Revenus en Janvier 2016 au même endroit, on avait même le droit à quelques extraits pour ‘prendre la température’ avec les fans. Et voilà, ça valait le coup d’attendre car le rêve est devenu réalité début Février 2018, le précieux digibook contenant les 3 CD est enfin disponible et depuis plusieurs mois, écoute après écoute, les 46 compositions s’incrustent petit à petit dans ma tête car il a bien fallu tout ce temps pour digérer cette œuvre imposante. Impossible donc de décrire succintement cet opéra comme j’ai l’habitude de le faire pour un album classique et ce ‘Beloved Antichrist’ demande bien plus. Comme cette oeuvre est quelque chose de très spécial et risque d’en dérouter certains (voir même beaucoup), et pour vous éviter une chronique trop longue à lire, il est tout d’abord indispensable d’adhérer à 2 genres de musique en marge du grand public : le métal avec la puissance de ses riffs de guitares et l’opéra mais dans le sens classique du terme c’est à dire l’art lyrique qui raconte une histoire interprêtée par des chanteurs ou chanteuses ayant des registres vocaux déterminés (Soprano, Mezzo soprano, Alto, Ténor, Baryton, Basse). Bon, je viens de perdre déjà plus de la moitié des lecteurs et quand je vous aurai dit que ces 2 styles cohabitent et donc que c’est justement cette alchimie qui en fait une œuvre complètement à part, j’ai certainement encore perdu une bonne partie de ceux qui restent. Vous êtes encore là ? on continue donc.

Le thème original :
Pour commencer, comme dans tout opéra, il faut une histoire avec des intrigues et des rebondissements : de ce côté, on est servi avec une adaptation assez libre de l’essai du philosophe Russe ‘Vladímir Soloviev’ datant de la fin du XIXème siècle intitulé ‘Court récit sur l'Antéchrist’ qui est consultable en Français Ici. Par Antéchrist, on désigne une personne ou un groupe de personnes qui tentent de se substituer à Jésus-Christ et cette figure apparaît à différents endroits dans les textes des différentes religions avec pour origine la notion de « l ’anti-messie » présente dans le Judaïsme. L’essai de ‘Soloviev’ sur le sujet raconte comment un homme se voit recevoir l’esprit de l’Antéchrist et comment, dans un monde plongé dans le chaos repousse l’invasion des Chinois et des Japonais, les Européean étant occupés par les guerres avec les Musulmans. En quelques années, l’Antéchrist impose, grâce à son armée qu’aucune autre armée ne peut vaincre, la paix au niveau mondial puis règle la faim dans le monde en rééquilibrant les profits et en imposant aux riches de donner au plus pauvres. Mais en s’attaquant au problème épineux de l’unification des religions, il nomme un Pape, appelé l’antipape qui doit l’aider dans son projet mais rencontre une opposition farouche des 3 représentants du Christianisme; deplus, les Juifs, apprenant qu’il n’est pas circoncis, tentent de l’affronter mais la terre s’ouvre et engloutit l’Antéchrist, l’antipape et toute son armée. C’est alors que les 3 religions assistent au retour du Christ sur terre : c’est le retour glorieux. En résumé, l’idée de ‘Soloviev’ était une critique des religions qui mettent chacune en avant leurs valeurs sans se préoccuper de l’essentiel que représente la foi dans le Christ.

L’adaptation de ‘Christofer Johnsson’ :
Le thème original n’est qu’un point de départ à l’opéra métal car l’histoire a été modernisée pour se passer dans le futur en 2046 où une tempête solaire de très grande ampleur détruit toutes les installations électriques privant le monde d’électricité et plongeant les habitants dans une période d’épidémies et de famine où seulement quelques groupes arrivent à survivre. C’est finalement dans le vieux continent, l’Europe, que les habitants, grâce à la coopération des Hommes, finissent par de nouveau se développer et se retrouver à un niveau de technologie du début du 19ème siècle. La religion Chrétienne qui avait disparu reprend de l’ampleur et redevient un maillon important de la société. Le décor est planté pour démarrer l’histoire de l’Antéchrist, de son nom ‘Seth Thanos’ qui se prend pour un second messie. Mais pour en faire un opéra, il était évident que le récit de ‘Soloviev’ ne mettait pas assez de personnages en scène et ‘Christofer’ a donc inventé tout un ensemble de personnage et ajouté des rôles féminins pour permettre tout d’abord d’avoir un équilibre entre les différentes voix comme pour un opéra classique mais également pour densifier l’histoire lui permettant de découper les 3 actes en petits épisodes représentant les différents titres.

Les rôles :
Avec l’adaptation très libre de Chistopher, on compte 25 rôles différents qui sont interprêtés par 15 chanteurs et chanteuses lyriques accompagnés par un chœur. Les rôles principaux sont bien entendu tenus par les artistes qui ont toujours suivi l’aventure de Thérion avec en tête ‘Thomas Vikström’ qui est l’Antechrist’. Dans le version originale, l’adversaire de l’Antéchrist’ était un vieil homme qui n’avait pas un rôle très important et Christofer a donc inventé un nouveau personnage en la personne de ‘Johanna Orsini’ tenu par la Soprano ‘Chiara Malvestiti’ qui représente le côté fanatique de la religion alors que sa sœur ‘Héléna’ interprêtée par ‘Lori Lewis’ est une religieuse de cœur qui en représente le côté calme. Dans les autres rôles principaux, ‘Sophia’ est la mère de Johanna et d’Héléna qui est veuve et qui à l’aube de la mort, ‘Appolonius’ est un personnage possédant des pouvoirs magiques et qui est déterminé à rejoindre le nouveau maître du monde, ‘Agnes’ est une russe qui se rapprochant de la réligion catholique devient une alliée de ‘Johanna’ dans son combat contre les forces du mal et ‘Mare’, conçue lors de la fuite en bateau de ses parents de Corse vers la Sardaigne (d’où son nom) est également proche de ‘Johanna’ et ‘Agnes’. La liste ci-dessous décrit les rôles, leurs interprêtes et leur tessiture :

Antichrist – Seth Thanos = Thomas Vikström (Ténor)
Johanna = Chiara Malvestiti (Soprano)
Helena = Lori Lewis (Soprano)
Agnes = Ulrika Skarby (Mezzo)
Mare = Lydia Kjellberg (Soprano)
Sophia = Melissa Verlak (Soprano)
Appolonius = Markus Jupiter (Bariton)
Pope Pete II = Samuel Jarreick (Bariton)
Professor Pauli = Linus Flogell (Tenor Bariton)
Satan = Erik Rosenius (Basse)
President of USE = Kaj Hagstrand (Tenor)
President’s wife= Matilda Wahlund (Mezzo)
Messenger = Karin Fjellander (Soprano)
Angel = Karin Fjellander (Soprano)
Priest = Mikael Schmidberger (Basse)
Demon = Mikael Schmidberger (Basse)
Lydia = Matilda Wahlund (Mezzo)
Female voter = Matilda Wahlund (Mezzo)
Male voter = Samuel Jarreick (Bariton)
Male servant = Mikael Schmidberger (Basse)
Congress woman = Linnea Vikström (Soprano)
Congress woman = Linnea Vikström (Soprano)
Antichrist Soldier = Kaj Hagstrand (Tenor)
3 demons = Mikael Schmidberger (Basse) / Samuel Jarreick (Bariton) / Linus Flogell (Tenor Bariton)

Et la musique dans tout ça :
Tout d’abord, au risque de me répêter, c’est une œuvre gigantesque et par conséquent, les compositions sont à la mesure de l’opéra tout entier. J’entends déjà certains critiquer et dire que ce n’est pas assez métal à certains endroits ou que c’est trop je ne sais quoi à d’autres endroits. A cela je répondrai qu’il est évident pour un opéra d’avoir une musique qui s’adapte aux différents épisodes de l’histoire car l’ensemble est indissociable : est-ce que du métal extrème serait le bienvenu dans ‘Through Dust, Through Rain’ qui est une scène entre Helena et sa mère Sophia qui est sur son lit de mort !! et au contraire, que dirait-on si on avait un requiem à l’arrivée d’Appolon alors que cela demande quelque chose de grandiose !! et dans ces 2 exemples, Chistopher a trouvé les mélodies et les arrangements les plus justes pour accompagner les paroles : dans ‘Through Dust, Through Rain’ qui suit le début puissant et épique à renfort de chœurs, la mélodie mélancolique où la douce voix de ‘Melissa Verlak’ (‘Sophia’) est accompagnée par quelques accords de piano aurait très bien pu avoir été écrit pour un opéra classique à l’époque de Mozart. De même, ‘The Arrival of Appolonius’ commence dans une ambiance paisible où le messager vient anoncer l’arrivée d’Appolon puis on assiste à un crescendo dû à la propagation de la nouvelle pour laisser éclater un final majestueux à grand renfort de choeurs. Ce ne sont que 2 exemples parmis tant d’autres mais, vous aurez compris que la grande force (voir le génie) de ‘Christofer Johnsson’ réside dans cette capacité à avoir non seulement composé une partition la plus juste possible en fonction de l’épisode narré mais également d’être aller chercher son inspiration dans la musique classique qu’il a ‘métalisé’ lorsque cela était nécessaire et ceci pour faire passer tous les sentiments de chaque personnage car l’histoire nous fait traverser toute sorte d’états affectifs. Alors, certes, 46 compositions de cette qualité, ça peut paraître lourd à ingurgiter en une seule fois et est-ce que l’on ne risque pas de s’y perdre dans une telle profusion d’épisodes ? Certes, dans notre monde contemporain où tout va si vite, c’est certainement quelque chose de difficile à intégrer mais si vous ne voulez pas passer à côté de cet opéra, je ne peux vous donner qu’un conseil : arrêtez-vous, posez-vous tranquillement et prenez le temps de découvrir cet opéra en apprivoisant petit à petit chaque coin et recoin et ne vous obligez pas à l’écouter en une seule traite.

Résumé :
Compte tenu de l’ambition du projet, ‘Beloved Antichrist’ est difficile à résumer en quelques mots mais pour ceux qui auraient du mal à intégrer l’ensemble de cette œuvre titanesque, je dirais simplement qu’il faut également mettre en regard le temps qu’il a fallu pour la concevoir et que ça n’a aucun sens de la comparer à une sortie d’album mais qu’il faut la prendre comme quelque chose d’unique et les seules comparaisons qui pourraient être faites le seraient avec d’autres œuvres d’opéra classiques comme par exemple ‘Les Troyens’ de ‘Berlioz’ ou ‘Guillaume Tell’ de ‘Rossini’ qui frisent tous les deux les 4 heures. Et pour finir, que l’on aime ou non, on ne peut que saluer ‘Christopher Johnsson’ d’avoir réussi ce pari un peu fou et d’avoir eu la ténacité pour faire que ce projet devienne réalité : Chapeau bas, l’artiste !!

Interprêtes

Christofer Johnsson (Guitare), Christian Vidal (Guitare), Nalle Phalsson (Basse), Thomas Johan Koleberg (Batterie), Sami Karppinen (Batterie), Peter Ljung (Piano, Hammond), Micke Nord (Guitare), Thomas Vikström (Chant), Lori Lewis (Chant), Chiara Malvestiti (Chant), Marcus Jupither (Chant), Erik Rosenius (Chant), Melissa Ferlaak (Chant), Ulrika Skarby (Chant), Lydia Kjellberg (Chant), Samuel Jarrick (Chant), Linus Flogell (Chant), Kaj Hagstrand (Chant), Matilda Wahlund (Chant), Karin Fjellander (Chant), Mickael Schmidberger (Chant), Linnea Vikström (Chant), Taras Yasenkov (Chef de chœur), Anastasia Dreyer (Chœurs), Anna Belova (Chœurs), Ekaterina Shamina (Chœurs), Lyudmila Mikhailova (Chœurs), Maria Chekrkchieva (Chœurs), Anastasia Polyanina (Chœurs), Darya Mikhailova (Chœurs), Ksenia Krasikova Mikhail Nor (Chœurs), Danil Jurilov (Chœurs), Artemy Menshikov (Chœurs), Nikita Mikhailov (Chœurs), Gleb Kardasevich (Chœurs), Dimitry Volkov (Chœurs), Mikhail Yurkus (Chœurs), Grigory Pyankov (Chœurs)